Secteur industriel : l’agroalimentaire pédale dans la cancoillote
Au Burkina Faso l’industrie agroalimentaire traverse des moments difficiles.
Ces dernières années, l’industrie agroalimentaire traverse une période morose. Les sociétés SN-SOSUCO, SN-CITEC, BRAKINA/SODIBO, BRAFASO et DAFANI ont toutes été confrontées à des difficultés financières, à la mévente de produits ou à des arrêts d’activités du fait de la grogne de salariés.
La crise économique et ses corolaires, la recrudescence de la fraude et de la contrebande et l’ouverture du marché sont, entre autres, les causes de la crise que traverse l’industrie agroalimentaire.
La SN-SOSUCO, la nationale de sucre, a du plomb dans l'aile. Avec une capacité d’absorption du marché local de 120 000 tonnes de sucre par an, la société qui n’a produit que 33 000 tonnes à l’issue de la campagne écoulée, avait près de 20.000 tonnes de sucre mévendu stocké dans ses magasins à Bobo-Dioulasso et à Ouagadougou au 1er septembre dernier. La crise semble à son paroxysme pour cette société qui, pour la première fois, a éprouvé des difficultés pour le paiement des salaires du mois de septembre dernier. Ce mois d’octobre, le Gouvernement a volé au secours de la SN-SOSUCO en prenant un certain nombre de mesures qui devraient dans quelques mois, atténuer les effets de la fraude et de la contrebande que subie cette société qui ne pourrait tenir plus longtemps selon ses dirigeants.
Du côté de la SN-CITEC, la principale huilerie du pays, les choses ne sont pas au beau-fixe. La société qui avait fait des méventes de plus de 5 milliards de Francs Cfa en 2013 sort peu à peu de son coma et tente de maintenir le cap. Avec une production oscillant entre 15 000 et 18 000 tonnes d’huile par an, la société peine à écouler sa production sur un marché local dont le besoin est estimé à 70.000 tonnes d’huile par an. Il en est de même pour les autres huileries de Bobo-Dioulasso (SOFIB, Watam, Huilerie Nouvelle, Huilerie Ba Mariam) qui traversent une période morose du fait des huiles importées. Les unités clandestines de production d’huile prolifèrent crescendo et les rayons des alimentations sont bondés d’huiles importées estampillées de marques tout azimut. En février 2014, le Gouvernement avait décidé de soutenir l’écoulement des produits de la SN-CITEC via la Société nationale de gestion des stocks de sécurité (SONAGESS).
Outre les unités de production d’huile et de sucre, la crise n'a pas épargné les brasseries et les unités productrices de jus de fruits.
En effet, l’année 2015 a débuté dans la tourmente pour la principale brasserie du pays. La grogne sociale qui avait gagné la BRAKINA/SODIBO dès janvier, a atteint son paroxysme en mars 2015, occasionnant une perte journalière d’environ 600 millions de F CFA de chiffres d’affaires à la société et un manque a gagner pour l’Etat oscillant entre 150 et 200 millions de F CFA de taxes par jour, durant quatre jours. En somme, les pertes se sont estimées à 2 milliards 400 millions de francs CFA pour la société et 800 millions de francs CFA pour l’Etat. Cet état d’humeur des salariés est justifié par des salaires jugés trop bas malgré les bénéfices colossaux qu’engrangerait la société. Pour les dirigeants, les charges auxquelles font face la société seraient énormes. Un règlement le 27 mars entre les partis, a mis un terme à la grogne et a permis de relancer l’exploitation.
Si la BRAKINA/SODIBO a toujours su se remettre sur les rails, ce n’est pas le cas des Brasseries du Faso (BRAFASO), un concurrent qui n’a tenu que quatre ans (2004 à 2008) avant de s’engluer dans des difficultés financières. L’Etat avait alors volé au secours de ladite société et s’était même engagé à racheter toutes les dettes de BRAFASO telles qu’elles avaient été produites par les créanciers dans le cadre d’une procédure de liquidation qui était déjà en cours mais finalement mise en sursis d’exécution. Malgré la bagatelle de 23 974 836 420 FCFA débloqué par l’Etat entre 2011 et 2012 pour régler 28 créanciers, ce n’est pas encore le retour de BRAFASO qui a connu ses moments de gloire.
DAFANI, la principale unité industrielle de jus de fruits du Burkina Faso, a elle aussi, frôlé la fermeture en 2010 et a dû fermer plusieurs mois pour difficultés financières. L’Etat avait aussi volé au secours de DAFANI en déboursant près de 562 millions de francs CFA pour permettre à l’usine de se remettre à niveau et de relancer ses machines. Avec l’apport d’autres financeurs et sociétaires, l’usine a finalement pu reprendre du service en 2011 et œuvre depuis à maintenir le cap. Son capital est ainsi passé de 750 millions de francs CFA à 2,250 milliards de francs CFA, dont 42% pour l’Etat devenu l’actionnaire majoritaire.
Si pour DAFANI, BRAFASO et BRAKINA, les raisons officielles évoquées pour justifier la crise, se sont toujours résumées aux difficultés financières, ce n’est pas le cas de la SN-SOSUCO, de la SN-CITEC et des huileries de l’Ouest du pays, menacées par la recrudescence de la fraude et la contrebande.
L’Etat devra encore peser de tout son poids pour réguler au mieux le marché et poursuivre l’assainissement du climat des affaires. Mais dans tous les cas, les sociétés devront faire montre d’une approche managériale nouvelle permettant d’assurer leur survie sur un marché ouvert à la concurrence. Il est souvent reproché aux entreprises locales, l’immobilisme et le manque d’innovation en matière de positionnement de produits sur le marché local.